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Cédric Klapisch et le vin en trois questions

Auteur

Laura
Bernaulte

Date

29.01.2020

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Hier soir, l’emblématique et sympathique réalisateur français avait répondu à l’invitation de l’Académie du Vin de Bordeaux* au cinéma UGC Ciné Cité de Bordeaux, le temps d’une projection privée-débat de son dernier film « Deux moi », sorti en salles en septembre. Terre de Vins y était. L’occasion de se prêter au jeu des questions-réponses sur le thème de la convivialité, du partage et du vin.

« L’Auberge espagnole », « Les Poupées Russes », « Casse-Tête Chinois », « Ce qui nous lie »… entre autres. Avec une trentaine d’années de carrière et autant de films à son actif, dont treize longs-métrages, Cédric Klapisch affiche un CV à faire pâlir d’envie une salle obscure ! Après une escapade dans les vignes avec « Ce qui nous lie » en 2017, il réinvestit le bitume pour « Deux Moi ». Dans cette nouvelle comédie sociale, il met en scène les parcours de vie de deux trentenaires campés par Ana Girardot et François Civil, esseulés à Paris, à l’ère où l’hyper-connexion devrait pourtant simplifier la rencontre humaine.

Vous placez les relations et interactions humaines au cœur de vos films. « Deux moi » met en exergue l’éloignement généré par le numérique et les réseaux sociaux. Finalement, partager un verre de vin ne serait-il pas un bon moyen de revenir dans le réel et de renouer instantanément le contact humain ?
Toujours ! Les choses peuvent être simples et conviviales, comme ce soir, ici à Bordeaux, autour de cette projection-débat et d’un verre de vin. On a parlé de « Ce qui nous lie » un peu plus tôt dans la soirée. Je n’avais pas remarqué auparavant qu’il y avait un point commun avec « Deux moi », cette recherche de convivialité dans une époque moderne qui fabrique du froid, de la distance. Dans « Ce qui nous lie », c’est le vin qui crée cette convivialité. Dans « Deux Moi », c’est le fait de parler aux autres, de se confier à des psys comme le font chacun de son côté les deux personnages, ça les aide à aller mieux pour ensuite s’ouvrir. On peut choisir soit le psy, soit le vin… ou les deux d’ailleurs !

Vous avez confié avoir découvert le vin grâce à votre père, amateur de vin. Mais comment vous est venue l’envie de placer le vin au centre d’un film dans « Ce qui nous lie » ?

Je me suis rendu compte que peu de films français parlaient du vin, alors que c’est presque le produit emblème de la France. J’étais étonné de voir que le cinéma ne s’était presque jamais penché sur le sujet. C’est parti de ce constat, et aussi comme c’est souvent le cas, de mes envies. Quand je choisis un film, je sais que je vais vivre avec pendant en général environ un an, un an et demi. A chaque fois, un scénario ou un sujet est la somme de mes désirs de lieux de tournage, d’images, d’acteurs… C’est extrêmement intuitif. Pour « Ce qui nous lie », je me suis rendu compte que j’étais un réalisateur très urbain, j’avais envie de ce rapport à la nature, de parler de la nature et du mariage de l’homme et de la nature. Ce qui m’impressionne dans le vin, c’est que ce n’est presque plus la nature, mais ce que l’homme en fait. C’est là où je trouve que c’est un sujet contemporain, cette question de savoir ce que fait l’homme avec la planète. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose d’un peu particulier en France autour du vin, et je voulais savoir où ça me menait d’en parler. Etrangement, alors que je pensais aborder le rapport aux parents et à la famille à travers le vin, j’ai plus parlé de fraternité dans ce film.

A titre personnel, quel amateur de vin est Cédric Klapisch ? A-t-il une couleur ou une région de prédilection ?
Avant de faire un film à Meursault, je préférais le rouge. Mais entre Chassagne-Montrachet, Puligny-Montrachet, Meursault, c’est impossible de ne pas aimer le blanc quand on passe un peu de temps là-bas. A midi, j’ai goûté du blanc de Haut-Brion, c’est quand même exceptionnel ! En tout cas, je n’ai plus de couleur favorite entre le rouge et le blanc, je ne peux pas vraiment choisir. Entre Bordeaux et Bourgogne, c’est pareil, il y a des choses exceptionnelles dans les deux régions. Ailleurs également, les Côtes du Rhône ça peut être merveilleux, l’Alsace, les Côtes-de-Provence aussi… Le vin a tellement évolué depuis dix ou vingt ans, qu’il n’y a plus de mauvaises régions. C’est hallucinant, on trouve du vin partout en France, j’ai compris ça en montrant « Ce qui nous lie » à travers l’Hexagone. Je pense que Rennes est peut-être la seule ville où on ne m’a pas dit faire son vin ! Ailleurs dans le monde, il y a l’Italie où je trouve qu’il y a de très beaux vin, et aussi en Californie. Je suis moins fan de l’Argentine, du Chili, de l’Australie, mais je connais moins bien. Finalement, comme en matière de musique, je suis assez éclectique. Je ne peux pas dire qu’il y a un style de musique que j’aime, et dans le vin, j’aime bien la curiosité. Je découvre par exemple depuis cinq ou dix ans les vins nature, une famille dans laquelle il peut y avoir de très jolies choses. J’appréhende un peu le vin un peu comme pour chacun de mes films, où je découvre et me plonge dans des univers différents.

* Le rôle de l’Académie du Vin de Bordeaux est de montrer que la culture et l’art de vivre autour des grands vins inspire de nombreux artistes.