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Le champagne, 2008 et la finance mondiale

Auteur

Joëlle
W. Boisson

Date

09.11.2016

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Grand millésime en Champagne, 2008 a été millésimé avec crainte. La raison n’est pas dans le verre, mais bien ailleurs.

Alors qu’un nombre certain de champagnes 2008 arrivent en marché pour ces fêtes, nous titrons, dans « Terre de Vins » actuellement en kiosques : Oh ! Oh ! 2008. Voilà incontestablement une belle année en Champagne, qui renoue avec des vins fins, élégants, complexes, vifs et très aptes au vieillissement.

L’année ne fut pas à proprement parler solaire : printemps frais et pluvieux (gel et chutes de neige les 8, 16 et 17 avril), très beau mois de mai, floraison tardive. L’été poursuivit contrasté : orageux en juillet, frais et peu ensoleillé en août. L’automne plutôt ensoleillé mais assez frais (surtout la nuit) et venteux a conduit à une maturation lente et douce : accumulation des sucres mais sans chute drastique de l’acidité. Bref, un profil millésime classique septentrional plutôt que typé « réchauffement climatique », et des vins clairs fins et frais, mais avec de la structure. Bref, un profil comme les chefs de caves les aiment pour des champagnes millésimés qui doivent affronter les années.

Effondrement des ventes

Seulement voilà, souvenez-vous. Le 15 septembre 2008, la banque Lehmann Brothers fait faillite. Dans son sillage apparaît tout un pan gangréné de l’économie (crise des subprimes) ; la crise financière qui en résulte s’étend rapidement aux banques et à l’économie mondiale.
Quel rapport, me direz-vous ? Il est direct, car les ventes de champagne vont bien quand l’économie va bien, et inversement. Or en novembre-décembre 2008, les expéditions de marques très exposées sur les marchés internationaux (Veuve Clicquot, Bollinger…) dévissent de 20 à 40 %. Dans cette ambiance morose se déroulent les dégustations de vins clairs.

C’est un dilemme. Un œil sur le compteur des ventes, un autre sur les stocks et un troisième dans le verre, il faut prendre de lourdes décisions. Comprenons-nous bien. Le choix de faire un champagne millésimé est un acte œnologique (le vin le vaut-il ? Va-t-il tenir la route sur les années ?) mais aussi administratif (déclaration en millésimé donc 3 ans minimum d’élevage, généralement bien plus) et financier (financement de ce stock). Deux autres paramètres complètent le tableau de bord : les quantités de millésimés des années précédentes (or 2006 et dans une moindre mesure 2007 sont des années millésimées) et le stock général des vins de réserve, variable d’une maison à l’autre.
Pour les champenois, ce sont au cas par cas de vrais dilemmes qui se sont présentés. 2008, vu la qualité, a été millésimé… mais pas toujours en quantité. Si vous êtes amateur, et que vous avez une belle cave vous permettant de stocker quelques année les vins, foncez sur les 2008 qui sortent en marché. Ils vous le rendront au centuple.

Quelques 2008 mis en marché pour les fêtes

Thienot Vintage 2008 (37 €) : un champagne très expressif, construit à parité pinot noir/chardonnay, extrêmement élégant et floral au nez. En bouche, il marque 2008, vif, tendu, sur des notes d’agrumes entre la bergamote et le cédrat. La fin de bouche est séveuse. Sur un feuilleté aux langoustines sauce aigre-douce, julienne de carottes.

D de Devaux 2008 (60 €) : l’approche est briochée et pourtant subtile, le fruit blanc évolue au nez vers la citronelle et le floral ; la bouche est d’une jeunesse de zeste et de fruits blancs, légèrement arrondie en finale de très fines touches levuriennes. Voici un champagne dans tout l’éclat de sa jeunesse. Sur un tartare de dorade au citron confit.

Moët & Chandon 2008 (50 €) : le navire amiral de la Champagne se définit lui aussi floral (tilleul, chèvrefeuille, acacia), rafraîchi de zeste de mandarine et de tomate verte. En bouche, les notes de fruits à noyau juste mûrs (pêche blanche, brugnon) témoignent là aussi de la fraîcheur du millésime. Sur une mousse de langoustine au pamplemousse, meringue de pois-chiche.