Accueil Changement climatique et nouvelle règlementation pourraient faire renaître le vin en Bretagne

Changement climatique et nouvelle règlementation pourraient faire renaître le vin en Bretagne

Auteur

AFP

Date

06.03.2018

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Vingt-deux candidats prêts à s’installer comme vignerons dans le Morbihan : assouplissement de la règlementation et changement climatique aidant, la Bretagne pense à renouer avec son passé viticole. Et même de grandes maisons y réfléchissent.

« Nous avons reçu 22 candidatures, nous en avons sélectionné cinq et le choix sera effectué dans quelques semaines », explique à l’AFP David Lappartient (LR), maire de Sarzeau, commune qui veut relancer la viticulture sur son territoire.

En Bretagne, la présence de vigne est attestée au moins depuis le Moyen-Age. A Sarzeau, elle a occupé « plus d’un millier d’hectares ». On y distillait en particulier la « Fine de Rhuys » et la dernière déclaration de vendanges remonte à 1993. Pour renouer avec son histoire, la commune va mettre à disposition de l’heureux élu une dizaine d’hectares autrefois plantés en ceps.

« L’objectif est de créer une activité professionnelle à part entière, avec l’ambition de faire un bon vin. On veut montrer que c’est possible », explique le maire, rappelant que le parcellaire de Sarzeau reste marqué par la vigne. La plantation est envisagée d’ici 18 mois à deux ans.

Au projet économique en biodynamie s’ajoute l’idée d’un atout touristique supplémentaire dans cette presqu’île très prisée, en bordure méridionale du golfe du Morbihan : « les vignes, c’est toujours quelque chose qui attire, ça crée de beaux paysages. Et les gens seront heureux de goûter un vin du coin », considère David Lappartient.

L’élu est également président du Parc naturel régional du golfe du Morbihan (PNRGM), dont deux îles, Arz et Ilur, sont embarquées dans l’aventure viticole, la première pour un projet associatif et la seconde, pédagogique.

« Viticulture insulaire »

De fait, même s’ils sont encore timides, plusieurs autres projets professionnels sont sur les rails. Ainsi, après avoir travaillé chez des vignerons en Bourgogne et en Suisse, Mathieu Le Saux est en cours d’installation sur l’île de Groix, face à Lorient, pour un projet de « viticulture insulaire ».

« Le sous-sol de Groix est exceptionnel (…) On a cinq hectares et on compte planter la totalité en vigne avec l’espoir de premières vendanges d’ici cinq ans », assure le trentenaire.

Parallèlement, un gros domaine viticole du sud-est de la France est venu en prospection à Belle-Ile-en-mer en vue d’y développer un vignoble, a-t-on appris auprès de la société concernée qui veut rester discrète et affirme à l’AFP ne pas vouloir « communiquer sur le sujet pour le moment ».

David Lappartient confirme des contacts similaires pour le parc naturel : « On a reçu la visite de propriétaires de châteaux du Bordelais et de Bourgogne qui réfléchissent. La vigne est un bon indicateur de l’évolution du climat », souligne-t-il.
Quand la maison Taittinger plante dans le Kent ou que les Barclay cultivent la vigne à Sercq, dans les îles anglo-normandes, avec l’espoir d’en servir la production dans leur cinq étoiles londonien, tous les espoirs semblent en effet permis aux vignobles bretons.

Ce qui est certain, c’est que « le climat breton devrait devenir de plus en plus favorable à la vigne », considère Franck Baraer, climatologue à Météo France.

« Le climat va continuer à se réchauffer et, à l’échéance de 50 ou 100 ans, le climat futur de Rennes pourrait être celui de Bordeaux, avec quelques degrés de plus qu’aujourd’hui », prévoit M. Baraer. Tout en tempérant ses propos : « Comparé aux régions continentales, la Bretagne n’est pas la région qui se réchauffe le plus en raison de la proximité de la mer » et de son pouvoir régulateur.

M. Baraer rappelle aussi que la Grande-Bretagne, nettement plus au nord, compte déjà environ « 130 vignerons ».

Des règles assouplies

En Bretagne, depuis une douzaine d’années, un groupe de passionnés de l’Association pour la reconnaissance des vins bretons (ARBV) se réunit régulièrement pour tester leurs crûs et les améliorer. Mais ces amateurs, qui cultivent de petites parcelles un peu partout en Bretagne, étaient bloqués jusqu’ici par une règlementation très stricte.

Depuis le 1er janvier 2016, une directive européenne a bousculé la donne. La France peut désormais accroître chaque année ses plantations de 1%, soit 8.000 hectares, selon France Agrimer. Et surtout, ces nouvelles plantations peuvent intervenir, sauf exception, sur l’ensemble du territoire.

« Actuellement, on délivre des autorisations de plantation pour 3.000 à 4.000 hectares par an. Il n’y a pas de restriction pour la Bretagne. Donc, tout demandeur inscrit comme exploitant viticole qui dépose un dossier recevra autorisation pour la totalité des hectares souhaités », explique Anne Haller, déléguée pour les filières viticoles à France Agrimer.

« Il y a clairement des gens dans toutes les régions, y compris en Bretagne, qui sont très curieux de faire des expérimentations », constate Mme Haller.

Avec quelques collègues, Pierre-Yves Perrachon, viticulteur depuis plus de 30 ans à La Chapelle de Guinchay, dans le Beaujolais, est de ceux-là.

Il avait rêvé il y a quelques années de tenter cette expérience dans le Morbihan, la terre de sa mère. « On avait un terrain en vue. On avait fait des analyses de sol et sélectionné 4/5 cépages. Mais ce qui nous a bloqué à l’époque, c’est l’administration », dit-il. La nouvelle règlementation pourrait peut-être le faire changer d’avis: « de mon côté, c’est suspendu »…

Pour Mathieu Le Saux, aucun doute, « dans cinq ans, c’est clair et net : il y aura cinq ou dix maisons viticoles en Bretagne! »