Samedi 9 Novembre 2024
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26.06.2012
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Instant de vérité, la semaine dernière, pour le Madiran 2010 du Château Laffitte-Teston, mûri dans les entrailles de la terre, à 800 mètres de profondeur. Une cuvée unique tirée à 1500 bouteilles.
Jamais ailleurs qu’à Bétharram un vin n’aura été élevé à une telle profondeur : sous 800 mètres de roche ! Là où les anges n’osent même plus réclamer leur part – même si pour le vin on parle plutôt de « consume » que de « part des anges » -, et où l’on ne relève pas la moindre trace de moisissure, grâce à l’aération.
La présentation solennelle de cette cuvée des profondeurs a eu lieu en fin de semaine dernière. En mars dernier, les grottes de Bétharram avaient vu remonter de leur tréfonds le vin d’une douzaine de barriques. Du madiran, exclusivement en tannat – le cépage roi de l’appellation -, provenant de la récolte 2010 du Château Laffitte-Teston, de Maumusson-Laguian (32).
Les futailles ont été entreposées sous terre à partir de février 2011. Inutile de dire qu’elles faisaient l’étonnement des touristes visitant l’une des principales attractions des Pyrénées (180 000 visiteurs par an).
De cette cuvée unique Grottes de Bétharram le propriétaire viticulteur Jean-Marc Laffitte tirera quelque 1 500 bouteilles. Pas plus.
C’était tout l’intérêt de l’expérience : comment ce vin se comporterait-il, dans des conditions sinon idylliques – température constante de 13°, hygrométrie extrême et aération absolue -, du moins non reproductibles ?
Le verdict des papilles
Le verdict a été rendu jeudi, donc. Par rapport au même vin ayant mûri dans son chai gersois, le « vin des grottes » dégage moins de puissance aromatique ; mais l’on sait qu’en matière de tannat, le trop est vite l’ennemi du bien… Diagnostic d’expert : le vin des profondeurs reste « resserré sur le fruit » et « son expression est particulière ». Dixit l’œnologue Hervé Romat, qui a suivi pas à pas l’expérience : « Il est à boire tout de suite, alors que le vin élevé de façon classique a du devenir et doit attendre un an ou plus. » Jean Delfaud est au premier chef géologue. « Le vieillissement dans des cavités, explique-t-il, ce n’est pas original, ça se fait pour le champagne et les vins de Loire. Mais ce sont des cavités artificielles et, surtout, la roche n’est pas du tout la même. Ici, elle est beaucoup plus dure et n’a pas de porosité. »
Leçon de choses
M. Delfaud n’en est pas moins connaisseur en vins. L’ancien professeur des sciences de la terre à l’université de Pau et des pays de l’Adour (Uppa), auteur du diagnostic des sols, juge que la cuvée de Bétharram tire sur le fruit noir, quand l’échantillon comparatif de la même récolte va plutôt sur des saveurs de chocolat. « Le nez et la bouche sont très différents », tranche-t-il. D’après Jean-Marc Laffitte, deux tiers des personnes ayant goûté les deux échantillons ont préféré celui du vin ayant séjourné sous terre.
Mais peu importent les préférences gustatives personnelles : c’est l’apport d’oxygène au vin qui fait toute la différence. CQFD. Sur le pari lancé par le patron des Grottes de Bétharram, Albert Ross, héritier de quatre générations d’exploitants et grand supporteur du Château Laffitte-Teston, c’est aussi une expérience de physique-chimie qui aura été réalisée là.
La mise en bouteilles de ce vin, assemblé au domaine (40 hectares), sera faite dans un mois. On le trouvera en vente à la boutique souvenirs des grottes de Bétharram, à la propriété à Maumusson, ainsi que chez quelques cavistes lourdais.
Thomas Longué
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