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Perrier-Jouët : la Belle Époque du tuilage entre chefs de cave

Séverine Frerson et Hervé Deschamps (photo JM Brouard)

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

28.04.2020

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La passation de pouvoir entre chefs de cave est un moment clé de l’histoire d’une Maison de champagne. Trop rapide, elle pourrait mettre en péril un équilibre constitué décennie après décennie. Hervé Deschamps et Séverine Frerson ont trouvé le juste équilibre et gèrent ce moment avec intelligence.

Si les choses commencent à changer, les femmes sont encore peu nombreuses à la tête des Maisons de Champagne. La nomination de Séverine Frerson comme nouvelle chef de caves chez Perrier-Jouët fin 2018 a donc suscité beaucoup d’intérêt et d’attentes. Femme expérimentée qui a passé 17 ans chez Piper-Heidsieck aux côtés notamment d’un très grand Monsieur de la Champagne, Régis Camus, Séverine a accepté un très beau défi que de continuer à faire rayonner cette grande maison d’Épernay. Bien évidemment, les enjeux sont colossaux et il n’est pas question d’être lâchée immédiatement dans le grand bain. Hervé Deschamps, chef de caves depuis 1983, forme depuis quelques mois un duo efficace avec Séverine. La seule manière d’après lui de partager tout son savoir acquis au fil des années et de perpétuer une tradition plus que bicentenaire.

epuis sa fondation en 1811, Perrier-Jouët n’a connu que 7 chefs de caves. Séverine est donc la 8ème personne à occuper ce poste. Son credo ? Se nourrir de l’âme de cette maison. Dès ses premières semaines, elle s’est donc plongée dans les archives de la Maison, a arpenté les caves et la maison Belle Époque aux côtés d’Hervé pour s’imprégner des lieux, de son Histoire. Découvrir avec un infini respect les 2 bouteilles de 1825 encore conservées dans l’Eden, celles de 1846 qui était le premier champagne moins dosé créé à l’époque pour le marché anglais… Faire la connaissance symbolique de Rose Adélaïde, la première grande dame qui a marqué Perrier-Joüet. Mais aussi vibrer au contact de l’exceptionnelle collection de meubles Art Nouveau conservés dans la Villa ainsi que des œuvres d’art contemporain qui ponctuent les lieux. Ressentir, peut-être, la détresse des prisonniers qui avaient été enfermés dans les caves pendant la Seconde Guerre Mondiale. Et surtout, percer le mystère du style maison, souvent très floral, où le chardonnay a toujours joué les premiers rôles.

L’humain au cœur du projet

A voir Hervé et Séverine réunis, on comprend immédiatement la complicité qu’ils ont réussi à créer. « Nos tournées dans les vignobles sont l’occasion de francs éclats de rire » révèle Séverine comme une évidence. La pression ? « Je ne la ressens pas. Mon parcours m’aide évidemment ». Elle semble déjà s’inscrire totalement dans la continuité de son prédécesseur et des siècles qui ont façonné cette Maison. « Rose Adélaïde est un personnage qui me fait vibrer. Je m’incarne beaucoup dans son caractère. C’est une femme qui allait toujours de l’avant, qui était très présente au sein de l’entreprise ». Séverine a mis en pratique ses dires en arpentant constamment le vignoble durant l’été dernier, souvent aux côtés d’Hervé. L’occasion, là aussi, d’aller comprendre les terroirs d’où proviennent les approvisionnements et surtout de nouer des liens avec les viticulteurs. Un élément fondamental pour Hervé citant les mots de Paul Ricard : « se faire un nouvel ami par jour ». Et d’ajouter, « c’est même plus que cela. A l’avenir, il va falloir réinventer les contacts humains avec tous ceux qui travaillent à la réussite de la Maison ».

Un précieux conseil que Séverine tiendra certainement, en accompagnant tous les acteurs au plus près, notamment en termes de suivi des maturités qui va être de plus en plus précis. A elle de réussir à garder le cap, à continuer à faire éclore des cuvées Belle Époque avec la même délicatesse, mais aussi à installer de manière pérenne sur les marchés la cuvée blanc de blancs, l’une des dernières réalisations d’Hervé progressivement lancée depuis des mois. Sans oublier le Grand Brut qui doit affirmer encore davantage sa place. Mais aussi et surtout, continuer à faire avancer Perrier-Jouët sans faire la révolution, à écrire l’avenir sans dévoiement, à concevoir certainement de nouvelles cuvées. Hervé avait imaginé la Belle Époque Blanc de Blancs sur le millésime 1993 pour que le lancement puisse avoir lieu à l’an 2000. Un grand succès pour un vin devenu depuis le fleuron de la Maison. L’avenir dira l’empreinte que laissera Séverine en ces lieux. Mais nul doute qu’elle n’oubliera jamais la transmission admirable voulue et mise en œuvre par Hervé.