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Rencontres Internationales du Rosé : s’adapter pour durer

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

25.01.2019

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Quels rosés pour demain ? Le 5ème symposium des Rencontres Internationales du Rosé, organisé cette semaine au Mucem de Marseille par le Conseil Interprofessionnel des Vins de Provence et le Centre du Rosé, a rassemblé professionnels et chercheurs de la filière pour apporter des éléments de réponse…

Si l’avenir du rosé s’annonce toujours aussi bleu au-dessus de la Provence, la viticulture, pour être durable, devra tenir compte de quelques paramètres comme le changement climatique, la raréfaction de la ressource en eau, l’évolution vers des produits plus naturels… Le réchauffement est indéniable : il se traduit déjà par une avancée de la véraison et une forte réduction des pluies en été. « Le bilan hydrique subit de plus en plus de variabilité et il est de plus en plus déficitaire avec un indice de sécheresse plus marqué, explique Nathalie Ollat, ingénieure à l’Inra. Ce qui se traduit par une avancée de la date de vendanges de 15 a 25 jours depuis un siècle, une hausse de la teneur en sucre et du degré d’alcool et une baisse de l’acidité et de la conservation des vins, ». Il faut donc trouver des leviers pour s’adapter : le matériel végétal, technique, la localisation, des vendanges en vert, la modification de l’entretien des sols, de la taille, de la densité de plantation pour réduire la consommation en eau, du palissage pour une meilleure efficience en eau…

Adapter ou créer des cépages

« Jouer sur les cépages et les portes-greffes sera déterminant pour mieux s’adapter à la sécheresse, insiste Nathalie Ollat. Actuellement une trentaine de porte-greffes sont autorisés en France mais 5 font 75% des assemblages. « D’autres autorisés par exemple à l’étranger sont à expérimenter ici et certains sont à créer. Ce qui n’exclut pas la modification des pratiques en vignes et en caves ». « Il faut repenser l’encépagement, la fertilisation, l’enracinement et développer une viticulture par destination adaptée aux rosés, complète Gilles Masson, directeur du centre du rosé. D’où l’intérêt de développer des programmes de R&D. Dans cet objectif, la création de variétés résistantes devrait être accélérée, notamment via le programme Edgarr initié par L’IFVV en collaboration avec la Provence et le Languedoc. Côté provençal, il pourrait être envisager un croisement du vermentino (rolle) et du cinsault. « Cela pourrait prendre au moins 15 ans pour sélectionner les individus, explique Loic Le Cunff, le directeur adjoint de l’IFVV (Institut Français de la Vigne et du Vin). Nous allons essayer d’accélérer la procédure en sélectionnant à partir de 5400 pépins une vingtaine de descendants pertinents pour une résistance durable au mildiou et à l’oïdium tout en conservant les propriétés idéales pour le rosé ».

Économies en pratique

Gilles Masson enfonce le clou : « Si on ne change rien, on va augmenter le besoin en frigories pour la récolte jusqu’à la conservation et nous allons être confrontés à une baisse de rendements face à un marché en hausse ». La consommation d’eau et d’énergie apparait même parmi les défis les plus intéressants pour Tiziana Nardi, chargée de recherche en Italie. « L’enjeu majeur est de conserver une fermentation à basse température pour les blancs et les rosés mais en jouant sur le degré de refroidissement sans modifier bien sûr le profil du vin. C’est possible et d’après nos expériences, nous pouvons gagner 0,14 € par bouteille en d’électricité ».

Autre danger pour Gilles Masson : « Que le changement climatique transforme le rosé, frais, fin et parfumé en un vin plus léger, moins fruité et plus foncé. Et un jour, les rosés alsaciens ressembleront aux rosés corses » ironise-t-il. Mieux vaut donc envisager des adaptations. « Une avancée de la date de récolte risque de produire des vins moins aromatiques et dont le profil, tout en préservant l’acidité, risque de ne plus correspondre au goût des consommateurs ». La désalcoolisation jusqu’à 2° et le désucrage avant fermentation ont en revanche démontré leur efficacité, même si elles engendrent des coûts supplémentaires et une perte de volumes. « Les vignerons utilisent aussi l’acidification depuis une quinzaine d’années; elle a fait ses preuves mais elle doit sans doute être mieux expliquer au consommateur.

Développement durable en vignes et en caves

Pour Philippe Riou, directeur de l’IFVV, il faut d’abord réfléchir au développement durable à la vigne par une réduction des produits phytosanitaires et de herbicides, un développement du désherbage mécanique, voire de la robotique, du biocontrôle via l’utilisation de typhodromes, d’huiles essentielles, du soufre, de la confusion sexuelle… « Nous devons favoriser les paysages pour préserver la biodiversité avec des haies, des tournières, des prairies, des murets, des arbres isolés… et l’éco-conception des caves avec des panneaux solaires, des toits végétaux, l’utilisation de la pierre locale, de la géothermie… ». Une exploitation sur deux doit être engagée dans une démarche de certification environnementale d’ici 2025 (HVE, Terra Vitis, SME, Vignerons en Développement Durable, bio, etc). Une orientation encourageante et les chemins sont multiples.