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À Cheval Blanc, une nouvelle ère s’ouvre « dans la continuité »

Pierre-Olivier Clouet, Directeur général de Château Cheval Blanc

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

13.07.2023

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Directeur technique depuis 2008, Pierre-Olivier Clouet, 43 ans, est nommé directeur général du château Cheval Blanc à Saint-Émilion. Pierre Lurton, qui dirigeait le domaine depuis 1990, devient président du conseil de gérance.

Ce n'est pas vraiment une surprise pour les observateurs du microcosme bordelais, mais c'est une nouvelle de haute importance pour l'une des propriétés les plus célèbres au monde, dont le nom seul fait rêver les amateurs de toute la planète : le château Cheval Blanc, domaine emblématique de Saint-Émilion, change de gouvernance. Pierre-Olivier Clouet, qui occupait les fonctions de directeur technique depuis 2008, devient directeur général. Il succède à son mentor Pierre Lurton, qui avait pris la direction du domaine en 1990, puis avait été nommé gérant en 1998, à l’arrivée des familles Frère et Arnault. C'est une évolution en douceur qui s'opère, Pierre-Olivier Clouet ayant étroitement collaboré avec Pierre Lurton depuis son arrivée en tant que stagiaire en 2004. Diplômé en agrosciences à l'Université de Caen et titulaire du diplôme national d'œnologue obtenu à Bordeaux, ce Normand de 43 ans évoque pour Terre de Vins l'ouverture de cette nouvelle ère « dans la continuité ».

Devenir directeur général de Cheval Blanc à 43 ans, peut-on parler d'accomplissement ?
C'est surtout une grande fierté. J'ai commencé comme stagiaire à Cheval Blanc il y a presque vingt ans, j'ai grandi ici, tout le monde me connaît depuis longtemps. C'est un immense privilège. Je suis d'autant plus heureux que les choses se font de manière naturelle, fluide, pour Pierre Lurton qui a cru en moi, pour les propriétaires, pour toutes les équipes, à un moment où les voyants sont au vert pour Cheval Blanc.

Tu as pris pleinement ta part dans toutes les orientations qui ont été données à la propriété ces dernières années, qu'il s'agisse de l'affirmation d'un style de vin plus « Cheval » que jamais, de la production de blanc et de l'évolution du foncier, du choix de l'agroforesterie, de la stratégie en primeurs, du choix de sortir du classement de Saint-Émilion... C'était une façon de te glisser déjà dans le costume ?
Tout ce qui a été décidé ces dernières années a été fait en cohérence avec une idée forte, qui est celle de l'identité de la maison. On n'a pas réinventé Cheval Blanc, on a ajusté des choses, fait quelquefois des choix radicaux sur notre mode de culture (notamment par rapport à l'adaptation au réchauffement climatique et aux enjeux environnementaux)... C'est encore une fois un privilège énorme de préserver l'histoire d'un tel domaine, mais on le fait en gardant les yeux ouverts, en essayant de réfléchir « en dehors de la boîte ». Tout nous sert à avancer : le fait d'avoir lancé une production de vin blanc, le fait d'avoir une autre propriété à Saint-Émilion, Quinault l'Enclos, qui nous sert un peu de laboratoire, le fait de faire aussi du vin en Argentine* avec Cheval des Andes. C'est un mélange rare dans les grandes maisons, de pouvoir travailler sur des projets qui stimulent autant notre créativité.

Concrètement, comment va s'organiser la gouvernance de Cheval Blanc désormais ?
Pierre Lurton se détache de la partie opérationnelle mais il reste présent, il nous conserve son regard bienveillant (en plus de garder ses responsabilités à Yquem). Il faut considérer que Pierre Lurton est irremplaçable et inimitable ; je ne serai pas le même « patron ». Pour ma part, j'ai avant tout un profil technique, mon métier et ma passion c'est de faire du vin. Donc je garde la main sur la direction technique du domaine, tout en m'appuyant plus que jamais sur les talents qui m'entourent : Nicolas Corporandy notre chef de culture, Carole André notre maître de chai, Arnaud de Laforcade à la direction commerciale et financière, Gérald Gabillet à la direction technique de Cheval des Andes...

Quelle est ta feuille de route, le cap que tu veux donner à la propriété ?
Le focus absolu reste la qualité et l'identité du cru. C'est ce pour quoi je me lève chaque matin, ce dans quoi je m'investis à 100 %. Il faut continuer sur cette lancée, en s'adaptant à un climat qui évolue rapidement et fortement. Mon rôle, c'est de faire en sorte que l'on produise encore du Cheval Blanc en 2060 et bien au-delà : penser le long terme. Pour cela nous allons continuer d'affirmer notre modèle environnemental. On persiste et signe, en adossant nos choix sur des résultats scientifiques étayés, que l'on veut pouvoir partager, transmettre à la filière. Nous voulons montrer que notre modèle n'est pas seulement une « viticulture de riches », mais qu'il peut inspirer, être reproduit, transféré. Et cela va même au-delà de la viticulture : mon espoir, c'est d'attirer des jeunes vers tous les métiers agricoles, de susciter des vocations. C'est la clé de l'avenir.

*Pierre-Olivier Clouet assure la direction générale, en plus des 45,5 hectares de Château Cheval Blanc (39 en rouge, 6,5 en blanc), des 18 hectares de Château Quinault l'Enclos et des 47 hectares de Cheval des Andes en Argentine.